Dessaisissement du débiteur : irrecevabilité de l'action en responsabilité contre son avocat

16.03.2023

Gestion d'entreprise

Le débiteur en liquidation judiciaire n’a pas qualité pour agir en responsabilité contre son avocat, qu’il a mandaté pour le représenter et l’assister dans l’exercice d’un droit propre, cette action ayant une nature patrimoniale entre dans le champ de son dessaisissement.

Un débiteur en redressement judiciaire obtient un plan de continuation le 6 septembre 2006. Ce plan est résolu et la liquidation judiciaire prononcée par jugement du 29 mars 2011. Ce jugement est confirmé par un arrêt du 18 janvier 2012, cassé dans toutes ses dispositions par un arrêt de la chambre commerciale du 22 mai 2013, (Cass. com., 22 mai 2013, n° 12-16.641), en raison de motifs impropres à caractériser l’état de cessation des paiements. Le 10 octobre 2017, le débiteur se prévalant d’une faute de son avocat, consistant à ne pas avoir saisi la cour de renvoi dans le délai imparti, l’assigne en dommages et intérêts pour compenser le préjudice résultant de la perte d’une chance d’éviter la liquidation judiciaire.

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La question qui se posait était celle de savoir si le débiteur en liquidation judiciaire, donc frappé du dessaisissement prévu par l’article L. 641-9 du code de commerce, peut exercer une telle action en responsabilité.

La Cour de cassation commence par rappeler que si le débiteur est effectivement dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens, par l’effet du jugement prononçant la liquidation judiciaire, il conserve le droit de former un appel puis le cas échéant un pourvoi en cassation, contre les décisions prononçant la résolution de son plan de redressement et sa liquidation judiciaire, pourvu qu’il l’exerce contre le liquidateur ou en sa présence. Il s’agit en effet d’un droit propre qui échappe au dessaisissement.

En revanche, la Cour de cassation juge que le débiteur n’est pas recevable à agir en responsabilité contre l’avocat qu’il a mandaté pour le représenter et l’assister dans l’exercice de ce droit propre. Une telle action n’a pas pour effet de faire valoir le point de vue du débiteur dans le déroulement de la procédure collective, mais poursuit une finalité patrimoniale consistant en l’obtention de dommages et intérêts. Et la chambre commerciale d’en déduire qu’une telle action ne peut se rattacher à l’exercice d’un droit propre. Elle ajoute en outre pour répondre au moyen du pourvoi que la fin de non-recevoir qui avait été opposée au débiteur n’est pas contraire à l’article 6 de la CEDH dès lors que les droits et actions de son patrimoine, seuls atteints par le dessaisissement sont exercés par le liquidateur pendant toute la durée de la procédure collective. De prime abord, la solution peut surprendre mais il faut prendre en compte les effets de l’action. S’agissant d’une action ayant une finalité patrimoniale, elle entre dans le champ du dessaisissement.

Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique
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